Quel Rolleiflex TLR choisir ?
Le
Rolleiflex étant le plus connu des
réflex TLR (Twin Lenses Reflex, ou réflex bi
objectifs), on en trouve beaucoup sur le marché, mais leur
cote amène les vendeurs à proposer parfois des
Rolleiflex en mauvais état à des prix
déraisonnables.
Alors lequel choisir ? Peut on
se rabattre vers des marques moins connues ?
Le tableau ci dessous montre qu'il y a eu
beaucoup de Rolleiflex différents, produits
pendant de nombreuses années, il est donc assez
difficile de faire son choix quand on cherche
un appareil pour photographier, et pas pour
collectionner:
Avant de s'orienter vers tel ou tel 6x6,
il faut comprendre de
quelles maladies peuvent souffrir ces appareils qui
ont de 30 à 60 ans, quand
même ! En effet cela peut avoir un
impact non négligeable sur le budget,
alors autant se décider en connaissance
de cause. Si on exclut les chocs et autres
maltraitances (à fuir), le vieillissement
est susceptible se fait sentir principalement
sur les point suivants:
- l'optique:
les optiques trop anciennes peuvent avoir
moisi (des champignons, qui se présentent
sous forme de matière filandreuse
dans l'objectif), ou bien le produit
utilisé pour
"coller" les lentilles entre elles peut
s'être
opacifié et avoir jauni. Et ça,
c'est irréparable ! De plus, les
optiques d'avant guerre
étaient rarement traitées,
ce qui peut limiter la performance avec
des lumières vives provenant de
l'avant de l'objectif. Pour ces raisons,
je préconise à
celui qui veut un Flex pour faire des
photos, et pas pour une collection, de
choisir des modèles disposant
d'optiques fabriquées après
guerre, et plutôt
à partir des années 50-60.
Ca limite déjà un peu le
champ du possible. Et bien sur, cela
ne dispense pas de vérifier l'absence
de champignons ou de scratchs sur les
lentilles.
- l'obturateur:
au bout de 30 ou 50 ans, un obturateur fatigue, surtout s'il a peu
servi récemment ! Le syndrome type, ce sont les vitesses
lentes grippées ou franchement trop lentes. Contrairement
aux optiques, dont l'altération est rarement
réparable, un obturateur se répare relativement
facilement. Les plus téméraires le
démontent eux mêmes, et le trempent dans un bain
d'essence C qui très souvent suffit à lui donner
une seconde jeunesse. Mais franchement, je ne le recommande pas ! De
plus il peut s’avérer nécessaire
de changer le ressort d’armement, il est donc
préférable de passer par un atelier
spécialisé. Compter une centaines d'euros pour
une révision d'obturateur. Evidemment, un tel coût
aura un impact non nul sur le budget, alors vérifiez si
l'appareil proposé a été
révisé récemment ou si un retour est
possible en cas de problème.
- l'aspect
extérieur: tout
trace de choc ou signe évident de mauvais entretien est
à fuir, avec des risques de pièces
cassées ou déplacées (un Flex,
ça dure longtemps mais ce n'est pas indestructible). La
facture (si réparable) risquerait de monter très
haut.
Pour en
savoir plus, sur l'évaluation
de l'état d'un Flex, voir le site
de M Lemandat
Deux
adresses recommandées, pour
révision/réparation:
- Photo
Suffren, le réparateur officiel, à Paris
- Phototechnique,
le réparateur limougeot sympa et accessible qui
sévit sur les forums sous le nom Maël
Voyons
maintenant les
différents objectifs disponibles sur les Rolleiflex. En effet, c'est principalement par les objectifs
que les Flex se distinguent les uns des autres. On peut les classer
ainsi:
- les
objectifs à 3 lentilles: les Triotar, ouverts à
3,5 ou 4,5. On les trouve surtout sur les Rolleicord I et II des
années 40, donc assez anciens. Certains disent que les
Triotar sont médiocres, d'autres qu'ils sont bons
dès lors que l'on diaphragme. Dans tous les cas, ils
risquent d'être anciens (avant guerre ou peu après
guerre), dont je ne les recommande pas.
- les
objectifs à 4 lentilles: les fameux
Tessar de Zeiss ou leur frères
jumeaux Xenar de Schneider. Ce sont de
très bons objectifs ouvrant
à 3,5 qu'on va trouver sur les
premiers Rolleiflex, les Automat des
années 40 et 50, et puis les Rolleicord
III, IV et V, et enfin les Rolleiflex
T de la fin de la décennie et
du début des 60s. Les Tessar/Xenar
sont des objectifs excellents, dont la
formule optique a été
très largement reprise voire pillée
par d'autres constructeurs de tous pays.
- les
objectifs à 5 ou 6 lentilles: les fameux Planar de Zeiss ou
Xenotar de Schneider, qui ouvrent soit à 3,5
(série des 3,5) ou à 2,8 (série des
2,8). Apparus à partir de 1952 (2,8C)
ou 1956 (3,5C)
ce sont les plus appréciés, mais aussi les plus
chers. Attention, le 2,8A est équipé d'un Tessar.
Plus que le piqué, qui ne serait pas supérieur au
Tessar, c'est leur modelé (aptitude à restituer
de fines nuances) qui a fait leur renommée.
Alors, quel objectif choisir :
Tessar/Xenar à 4 lentilles ou
Planar/Xenotar à 5 ou 6 lentilles ? f/3,5 ou f/2,8 ? 5 ou 6 lentilles ?
Sur ce
dernier point, personne n'est capable de
faire une différence entre les 5 et 6 lentilles. Zeiss n'a
jamais clairement expliqué pourquoi ils étaient
passés aux 6 lentilles, et quel en était
le bénéfice. La vérité est
probablement marketing: pour Hasselblad, Zeiss a du produire un Planar
à 6 lentilles car la formule devait être plus
complexe afin que l'objectif puisse cohabiter avec le miroir amovible.
Sur le Flex, aucun besoin de ce genre, le miroir étant fixe,
mais il est probable que Zeiss ne voulait laisser penser que les Flex
étaient moins bons que les Blad, et a donc introduit une
lentille dont l'intérêt est peu
évident. Et Schneider a suivi !
Le
débat Tessar contre Planar est plus
vif. Ce qu'on peut dire, sans faire d'erreur grave, c'est que:
- les
6 objectifs (Tessar, Planar 3,5, Planar 2,8, Xenar, Xenotar
3,5 et Xenotar 2,8) sont très bons, voire excellents, et
font mieux que soutenir la comparaison avec le mythique Hasselblad.
- Schneider
ou Zeiss, c'est kif kif. Seul le 3,5 Xenotar bénéficie
d'une réputation meilleure que son homologue Zeiss, mais ca
n'est pas démontré de façon flagrante.
- 2,8
ou 3,5, c'est kif kif, bien que certains soutiennent que les 3,5 sont
un poil meilleurs. Est
il besoin de préciser
que 3,5 ou 2,8 représentent
l'ouverture maximale de l'objectif de prise de vue ?
- les
Planar/Xenotar sont réputés meilleurs dans les
coins que les Tessar/Xenar aux grandes ouvertures, mais
équivalents au centre et sur les bords. Mais certains
possesseurs des deux objectifs disent qu'ils sont incapables de faire
la différence entre ces deux optiques. Et j'avoue que quand
je vois le piqué et
l'homogénéité de mon Tessar, je ne
vois pas bien ce qui peut s'améliorer. Certains
spécialistes disent que les Tessar du T ont
été redessines, et figurent parmi les meilleurs.
Vous pourrez voir sur cette page
des détails
d’images prises avec un Tessar, qui vous permettront
d’évaluer par vous-même sa
qualité.
- Même
si leur qualité est très proches,
les Planar/Xenotar sont plus réputés, car ils
présenteraient une douceur et un modelé
supérieur, appréciés en portrait. Vous
les paierez plus chers, mais vous les revendrez plus chers aussi.
Alors, Rolleicord,
Rolleiflex T, série 2,8 ou série 3,5 ?
Si l'on s'en tient à des appareils relativement
récents (tout est relatif, on parle quand même des années 50 et 60!), on va avoir le choix entre les appareils suivants.
- les
Rolleicord IV et V, ce sont les "Rolleiflex du pauvre". Dans les faits,
ils sont très proches des T, mais en moins couteux, donc
à considérer. La principale différence
entre le V et les T, c'est que sur les Cord, l'armement de l'obturateur
est séparé de l'avancement du film. Donc une
opération en deux temps pour les Cord au lieu de un pour les
Flex T. On reconnait coup sur
un Cord àl'absence
de manivelle sur le flan droit.
Les IV datent de la première moitié des
50s, les V et Va de la deuxième moitié, et les Vb
datent des années 60 (à privilégier
donc).
Seul le Vb a un verre de visée interchangeable. Les Cord Vb
pèsent environ 900 grammes.
Un Rolleicord Va ou Vb en bon état se
négociera vers les 150 euros s'il n'est pas garanti, et vers
les 250 euros s'il a été
révisé récemment ou est garanti.
- les
Rolleiflex Automat, équipés en Tessar ou Xenar (4
lentilles donc) ont constitué le haut de gamme entre 1937 et
1956. Ils ont été ensuite remplacés
comme haut de gamme par les séries 2,8 et 3,5
équipés des Planar ou Xenotar, la gamme en Tessar
poursuivant sa vie avec les T. Ce sont de bons appareils, mais
à ne pas acheter à l'aveugle car ils peuvent
être fort anciens. Si vous en achetez un, choisissez un
modèle dont le numéro de série est
supérieur à 1.400.000. Les
Automat
récents frisent le kilogramme.
- les
Rolleiflex T: c'est le Rolleiflex de base des années 58
à 76, il se distingue du Cord par son armement
jumelé avec la manivelle d'avancement du film (on avance le film et on arme l'obturateur en un tour de manivelle). Ils sont tous
en Tessar 3,5, et donc pas trop couteux. Le T partage avec le Cord
et avec les
derniers Automat le réglage du diaphragme et des vitesses
par couplage EV. Décrié par certains,
jugé sans problème par d'autres... Tous les T ont
un verre de visée interchangeable, ils pèsent
environ un kilo. Les
T se trouvent vers 200 euros,
et peuvent monter vers 400 euros en très bon état
révisé.
- les
Rolleiflex 3,5: le best seller,
très recherché surtout en Xenotar. Les plus
aboutis et les plus fréquents sont les 3,5F, construits
à partir de fin 58. Il faut compter dans les 400
à 500 euros selon l'état pour un appareil non
révisé, et 700 à 800 euros pour un
appareil révisé et complet. Les verres de
visée sont interchangeables. Les 3,5F
pèsent environ 1,2 kg.
- les
Rolleiflex 2,8: le haut de gamme, les plus aboutis étant les
2,8F,
construits à partir de mi 1960. Compter entre 600 euros et
1000 euros selon le niveau de garantie ou révision, pour un
appareil propre évidemment. Verres de visée
interchangeables à partir des derniers 2,8E. Ils
pèsent environ 1,2kg. Il faut compter 100 à 200
euros de plus qu'un 3,5.
- Je
mets volontairement de coté les Rolleiflex très récents
comme
les GX, plus chers et un peu moins bien construits que les derniers 2,8F, ou
les
Flex
grand
angle
4FW
ou
télé 4FT,
inaccessibles du fait de leur rareté et donc de
leur prix totalement délirant. Ils sont plus
destinés à des collectionneurs.
Au
final, ma recommandation serait, selon votre budget, l'un des appareils
suivant (budget après
révision/réparation):
- 300
euros de budget : Rolleicord Vb récent
- 450
euros de budget: Rolleiflex T
- 700
euros de budget: Rolleiflex 3,5F modèle
3
Ces
estimations doivent bien sur varier selon
l'état et la richesse des accessoires fournis (pare-soleil
indispensable, étui cuir souhaitable...) ou selon la
présence d'une cellule opérationnelle (certains
T, et les 3,5 et 2,8 F).
Vous noterez que ce sont des appareils construits àpartir de la fin
des années 50, vous les identifierez facilement par leur numéro
de série supérieur à 2.000.000. Cela exclut
les
Flex les plus anciens, et vous permettra de bénéficier d'optiques correctement
traitées,
et
avec des verres de visée interchangeables.
Attention à ne
pas confondre le numero de série de l'appareil avec celui
des objectifs. Il se
trouve sur la platine porte objectif en bas de l'objectif
inférieur sur le Vb et le T, et sur le dessus de
l'appareil devant le capuchon de visée pliant sur les 3,5 et
2,8.
Bien sur, les Rolleiflex antérieurs tels les Automat (numéros supérieurs
à 1.00.000), les Rolleicord V et Va peuvent constituer de bons plans,
mais il faut être plus vigilants sur leur état, ils ne bénéficieront
pas de plus intéressant comme le verre de visée interchangeable, et vous
ne les paierez pas moins chers que leurs successeurs.
Vous
pouvez connaitre l'âge et les
caractéristiques du Flex que vous visez avec son
numéro de série, sur les sites suivants:
Y
a t' il une
vie en
TLR hors du Rolleiflex ?
La réponse est oui, et on peut
même faire de très bonnes affaires en
acquérant un Semflex (fabrication française), un
Yashica ou un Minolta Autocord (japonais), un Zeiss Ikoflex (allemand).
Ces appareils couteront moins cher (souvent moins d'une centaine
d'euros non révisés), et auront une
qualité proche des Rolleicord ou des T.
Les Lubitel et autres Seagull sont clairement en dessous. Les Mamiya
sont d'excellente qualité et présentent
l'avantage de permettre de changer les objectifs, mais la contrepartie
est un poids et un volume qui les range dans une autre
catégorie (plus studio que reportage).
Pierre Diparon propose un petit comparatif de
différents TLR fort intéressant.
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